Le Parfum, histoire d'un meurtrier



    Le parfum est un roman de l'auteur allemand Patrick Süskind paru en 1985 et adapté en film en 1996 par Tom Tykwer. J'imagine que vous connaissez les deux, mais je tiens à faire cet article à destination des malchanceux qui seraient passés à côté de ces deux merveilles.

    L'histoire se déroule dans la France du XVIIIè siècle ; elle commence à Paris... Un jeune homme sans réel nom, que nous appellerons Jean-Baptiste Grenouille, devient l'apprenti d'un maître parfumeur et apprend auprès de lui l'art délicat du maniement des odeurs. Il se rend vite compte qu'un élément essentiel lui manque pour créer le parfum idéal qui pourrait le faire accepter par ses semblables. Oui, car Jean-Baptiste Grenouille n'a pas d'odeur.

    La scène de la naissance de Grenouille, tant dans le roman que dans le film, est très frappante et ne laisse présager que du mauvais : le petit naît au milieu des ordures, d'une mère poissonnière qui a déjà pratiqué elle-même des accouchements bâclés à l'issue desquels elle laissait tout simplement mourir le bébé. Sauf que cette fois-ci, l'enfant a décidé de vivre, de façon purement naturelle, instinctive, comme un animal sauvage se raccroche à la vie parce qu'il le faut. La comparaison de Grenouille avec un animal est très marquée et restera présente tout au long du roman. On considérera souvent le meurtrier comme une sorte d'animal intelligent obéissant à ses pulsions, bien qu'il soit doté d'un don incroyable. C'est très particulier, mais le roman et son adaptation rendent cette impression beaucoup mieux que moi. Je peux au moins vous dire que déjà, l'univers des odeurs est très présent : c'est le sens le plus développé chez Grenouille, celui qui lui inspire le plus de choses ; ainsi, le décor qui l'entoure est principalement décrit par les odeurs dès la naissance du meurtrier (qui n'en est pas encore un, en fait). Il faut savoir que la mère de Grenouille meurt après sa naissance, puisque c'est à cause de lui qu'on découvre ses infanticides qui la feront guillotiner... Le premier son qui sort de la bouche du bébé est donc celui qui condamne sa mère, comme il est très justement remarqué dans le roman.

   Après ce premier mauvais augure, Grenouille manque de mourir quelques fois dès ses premières années mais toujours, il survit au détriment des autres...
    Il finit par découvrir l'atelier de Baldini, le maître parfumeur, en plein Paris : c'est là que l'histoire prend un nouveau tournant. Entre sa naissance et son entrée chez Baldini, Grenouille a toujours majoritairement perçu le monde qui l'entourait par les odeurs, et c'est grâce à son odorat qu'il découvre la boutique du parfumeur. Baldini est un artiste déchu qui se laisse distancer par les nouveaux créateurs, mais tente de préserver son image à tout prix : quand il découvre Grenouille, il l'embauche en sachant que celui-ci va lui permettre de retrouver sa renommée d'antan et lui faire conquérir Paris. Cependant, au début, Grenouille choque quelque peu le parfumeur raffiné, qui a pour habitude de mesurer très soigneusement et précisément ses dosages, par sa manière brutale et quasi-instinctive de préparer ses parfums. En effet, quand Baldini mesure et pèse les ingrédients de façon très fine, avant de les manipuler avec une infinie précaution, Grenouille, lui, verse avec insouciance les produits sans prendre les moindres mesures. Après une démonstration qui va le mener au bord de la crise d'apoplexie, Baldini est rapidement obligé de se rendre devant la qualité exceptionnelle des parfums de son apprenti aux méthodes qu'il considère comme sacrilèges. C'est le talent indéniable de Grenouille qui va décider le parfumeur à lui apprendre à canaliser ses inspirations et préparer les parfums avec des méthodes précises.
   Cette étape est très importante pour Grenouille, qui découvre que les odeurs peuvent être maîtrisées et agencées, ce qui lui apporte un certain soulagement puisqu'il se rend compte qu'il peut enfin exprimer ce qu'il a en tête, après diverses expériences pour le moins... curieuses.
   Notre apprenti parfumeur, une fois qu'il a dépassé le maître Baldini, se rend à Grasse, une ville du sud de la France réputée par les professionnels du parfum, où il maîtrisera, ou plutôt perfectionnera, son art. C'est aussi là que commence l'histoire du meurtrier. Il apprendra également à devenir plus sociable, c'est à dire plus manipulateur...

    Je ne saurais vous dire quel a été mon préféré, le film ou le roman. Tous deux ont leurs moyens d'expression propres. Dans le film, un narrateur joue le rôle d'interprète entre Grenouille et le spectateur, c'est à dire entre le langage des mots et celui des odeurs. Les différents objets, personnes, lieux, par lesquels est attiré Grenouille sont rendus par des zooms dans le film, et par une description extrêmement riche des émotions que ressent Grenouille.
   C'est une histoire très particulière : on ne sait pas vraiment pourquoi Grenouille est comme ça, pourquoi il ressent cette fascination pour les odeurs, pourquoi il a ressenti le besoin de tuer pour s'approprier pleinement l'odeur des jeunes filles dont il vole la vie en même temps que le parfum.
    Il est un personnage très intrigant, et certainement un des meurtriers des plus fascinants, qualifié de "scélérat de génie" par Süskind, au même titre que le Marquis de Sade.

    Par ailleurs, Le Parfum, histoire d'un meurtrier n'a pas uniquement inspiré un film. Dans le domaine de la musique, la chanson Scentless apentice de Nirvana et le titre de l'album Smells like Children du groupe Marilyn Manson ont été imaginés d'après ce roman. Encore mieux, un coffret de parfums de la maison Thierry Mugler a été créé dans le but de recréer des scènes phares du roman. Coïncidence, le coffret est sorti en même temps que le film, sans que cela n'a été l'intention des maîtres-parfumeurs à l'origine de cette intrigante et géniale initiative. Intrigante, parce que les créateurs n'ont pas voulu créer des parfums plaisants et "jolis", mais des senteurs qui, bien que pas désagréables (du moins je l'imagine!) sont assez curieuses et reprennent les odeurs de la tannerie dans laquelle a travaillé Grenouille avant d’atterrir chez Baldini, ou encore Orgie, qui doit rappeler la fameuse scène où Grenouille, aspergé de sa fragrance absolue, tant recherchée, échappe à l'échafaud et provoque l'affolement de toute une foule. Le joyau de cette collection est sans conteste Aura, sensé être le chef d’œuvre de Grenouille. Cette quinzième fragrance est appelé un "sublimateur", destiné à mettre en valeur n'importe lequel des quatorze autres parfums du coffret. Il aurait été testé sur de nombreux autres parfums sur lesquels son effet aurait fait ses preuves, et peut également être porté seul.


Commentaires

  1. Ce livre est un de mes préférés ! Je l'ai dévoré en un coup, impossible de le poser sans l'avoir fini haha
    J'ai aussi bien aimé le film d'ailleurs :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ça a été la même chose pour moi, ce roman est un page turner : )

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Merci d'avance pour votre petit mot!

Posts les plus consultés de ce blog

2061 : Odyssée trois - Arthur C. Clarke

Trois oboles pour Charon - Franck Ferric

2010 : Odyssée deux - Arthur C. Clarke