Madame de Villeneuve : La Belle et la Bête

   Non, vous ne rêvez pas : je m'apprête bien à vous parler d'un conte aujourd'hui. Pas un conte macabre à l'instar de ceux d'Edgar Poe, ni un conte cruel à la sauce Villiers de l'Isle Adam et encore moins un de ces contes fantastiques dont Hoffmann a le secret. Il s'agit bien du tout innocent La Belle et la Bête - quoiqu'il le soit certainement un peu moins que l'adaptation de Walt Disney.



Résumé : (pour la forme...)
Alors qu'une famille de marchands peine à survivre après avoir été ruinée, le père cueille sans autorisation une rose dans le domaine d'un terrible monstre. Celui-ci ne décide de l'épargner qu'à une seule condition : que le père livre sa fille cadette et la condamne à un an d'enfermement dans le château, en compagnie de son mystérieux et inquiétant propriétaire...

Conte de Madame de Villeneuve : 129 pages 
Parution : 1740
Conte de Madame Leprince de Beaumont : 24 pages
Parution : 1756


    Mon avis : J'ai eu envie de lire le conte original dès que j'en ai entendu parler, alors que j'ai longtemps été persuadée que l'histoire était une création de Walt Disney. Malgré cela et mon faible attrait pour l'univers de Disney, il fallait absolument que je voie si la différence entre l'oeuvre originale et le dessin animé présentait les mêmes énormes variations qu'entre la Petite sirène d'Andersen... et celle de W. D. (J'ai heureusement trouvé que ce n'était pas le cas.) Par ailleurs, ma curiosité a été vaincue par le nombre impressionnant d'adaptations dont le conte a fait l'objet et le fait que les relations du type belle et la bête soit devenues un symbole très puissant, qu'il s'agisse d'adaptations directes ou d'inspirations. Il n'est donc pas étonnant que je me sois précipité sur cette parution des éditions du Chêne, agrémenté d'illustrations des premières éditions du conte.

    La version sur laquelle je vais me concentrer est celle de Madame de Villeneuve. En toute subjectivité, je l'ai trouvé bien plus intéressante que celle de Madame Leprince de Beaumont, même si j'ai quelques éléments pour argumenter...
    Je ne m'étendrai pas sur le style parce que je ne lui ai rien trouvé de particulier : l'écriture est soignée tout en restant simple et accessible aux enfants, ce qui m'a rendu la lecture très fluide. Le texte a été dévoré en deux-trois heures. L'histoire en elle-même a un rythme un peu plus lent que ce à quoi j'étais habituée, la plupart des contes résumant une année en une ligne. ce n'est ici pas le cas, et le séjour entier de la Belle est détaillé, depuis ses découvertes étranges dans le château jusqu'à l'évolution de sa perception de la Bête. En effet, si la Belle est au départ répugnée de la question quotidienne de son "hôte" ("Voulez-vous que je couche avec vous"), elle est peu à peu adoucie par les merveilles qui lui sont réservées pour son simple divertissement et les rêves dans lesquels une Dame lui procure des conseils sibyllins, destinés en réalité à lui faire accepter la Bête et lui faire oublier son physique ingrat pour les attentions qu'elle lui procure. La Dame en question n'étant autre que la fée responsable du sortilège, on se réjouit de voir qu'elle apporte son aide à la Bête d'une part, et que la Belle change sa vision des choses d'autre part. Ce n'est effectivement qu'après que la Belle ait accepté la compagnie de la Bête pour la nuit que le sortilège se lève.
    La version de Madame Leprince de Beaumont est, disons-le clairement, une version abrégée et superficielle du conte, notamment destiné à l'éducation des jeunes filles. Si cet objectif était presque évident dans le conte original, il ressemblait bien plus à une suggestion de ne pas se fier au physique des hommes qu'à une leçon de morale, comme c'est le cas dans la deuxième version du conte. Pourtant, c'est cette oeuvre qui a fait l'objet d'adaptations, ce qui me paraît un peu regrettable. Je pense qu'on perd beaucoup de l'histoire originale dans cette version "abrégée", notamment en ce qui concerne l'enfance de la Bête. Le style lui-même m'a paru plus simpliste, c'est pourquoi j'ai eu l'impression de lire un extrait de ces abominables manuels d'éducations de jeunes filles plus qu'un conte traditionnel s'achevant sur une morale plus ou moins subtile. 
     
    En résumé, on reste pour moi dans un conte un peu traditionnel avec une vision peu évoluée de la femme - Belle n'a pas d'autre choix que de passer des mains de son père à celles de la Bête et n'a presque aucun pouvoir sur ce qui lui arrive, à tel point que j'étais presque surprise qu'il lui suffise d'un simple "non" à la Bête pour... rester seule la nuit. Je ne suis pas pour autant déçue de cette lecture car j'avais envie de remonter aux sources de ce mythe qu'est devenu ce couple, c'est maintenant chose faite. Je vous le recommande si vous ne l'avez pas encore lu, c'est une lecture rapide qui enrichira peut-être votre perception des différentes adaptations à l'avenir.

Lecture recommandée :
Mercure, de Amélie Nothomb (chronique disponible ici)


Commentaires

  1. Je n'ai lu que la version de Madame Leprince de Beaumont il y a longtemps et je l'avais assez superficielle comme toi. Je ne connais pas l'autre version par contre mais il faudrait que me penche dessus :D

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Merci d'avance pour votre petit mot!

Posts les plus consultés de ce blog

Le Parfum, histoire d'un meurtrier

Trois oboles pour Charon - Franck Ferric

2061 : Odyssée trois - Arthur C. Clarke